La création de la zone de libre-échange continentale africaine suscite maintes réactions dans le monde économique. Dans un contexte caractérisé par le besoin essentiel de plans de développements rapides pour le continent africain, les opérateurs économiques se posent légitimement des questions quant à cette initiative.
La ZLECA permettra-t-elle aux Etats africains de converger vers l’émergence ? Plusieurs avantages inhérents à cette initiative permettent de l’espérer. Les résultats dépendront, par contre, du cadre institutionnel et du monitoring de l’implémentation de cette zone de libre-échange.
Un marché unique libéralisé, des synergies locales et de la valeur ajoutée
Le document de l’Union Africaine portant création de la ZLECA stipule que le projet vise à « créer un marché unique libéralisé pour les marchandises et les services facilité par la circulation des personnes afin d’approfondir l’intégration économique du continent africain (…)». L’objectif est double : poser les bases d’une future union douanière continentale et développer le secteur industriel dans une optique de consolider l’intégration continentale.
A cette fin, l’initiative prévoit l’élimination progressive des barrières tarifaires et non-tarifaires au commerce des marchandises, la libéralisation progressive du commerce des services ainsi que la coopération en matière d’investissement, de droit de propriété intellectuelle, de concurrence et de règlement des différends.
Ce projet ambitionne de favoriser la transition des économies africaines vers des économies capables de stimuler les industries locales, de créer des synergies entre les opérateurs économiques, de transformer les richesses naturelles et de produire de la valeur ajoutée. Cette transition doit permettre aux Etats de diversifier les sources de recettes et de réduire les risques financiers pesant sur leurs marchés.
Des économies plus durables, diversifiées, inclusives et vectrices de bien-être
La ZLECA est une opportunité pour l’Afrique. L’aboutissement de ce projet influerait positivement sur le bien-être des populations africaines.
En effet, Les entreprises africaines sont aujourd’hui confrontées à des droits de douane plus élevés sur le continent africain qu’en dehors de celui-ci. La ZLECA, moyennant une mise en œuvre efficace, mettrait fin à cela et favorisera donc le commerce intra-africain et les synergies intra-africaines nécessaires à l’émergence du continent au niveau économique (synergies technologiques, synergies éducatives, synergies d’échange de savoir).
Par ailleurs, l’initiative constitue une opportunité de progrès pour l’industrialisation de l’Afrique et la réduction des risques liés aux économies africaines. L’actuelle dépendance aux exportations de produits tels que le pétrole et les minéraux implique une vulnérabilité intrinsèque liée à la volatilité des cours. La ZLECA ambitionne de promouvoir des économies plus durables, diversifiées et inclusives. L’expansion du commerce des produits manufacturés et des produits agricoles devrait permettre, par exemple, d’augmenter le taux d’emploi des jeunes, ceux-ci étant très peu sollicités par l’industrie extractive. La promotion des intégrations régionales et continentales bénéficiera, par ailleurs, aux petites et moyennes entreprises. Celles-ci pourront plus facilement s’intégrer aux chaines de valeurs et servir les intérêts des grandes entreprises du continent. Faciliter les échanges permettra également aux pays enclavés de participer davantage et à des moindres coûts aux opérations économiques.
Tenant compte de la finalisation de l’implémentation complète de la réforme ZLECA prévue pour 2035, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique table sur une augmentation de valeur du commerce intra-africain de 15 à 25% (50 à 70 Mds $) à l’horizon 2040. La part du commerce intra-africain dans les échanges sur le continent évoluerait aussi positivement (+50% à l’horizon 2040). Actuellement, la part du commerce intra régional en Afrique est de 15%. A titre de comparaison, elle s’élève à 60% dans l’Union Européenne. La mise en œuvre de l’intégration économique africaine est urgemment nécessaire afin d’émerger en tant que continent. Cela ne peut se faire sans une approche progressive maîtrisée grâce à une gouvernance solide.
La ZLECA, défi majeur de gouvernance et espoir d’émergence économique
Sans un cadre institutionnel fort et une implication concrète des grandes économies du continent, l’on peut craindre de voir la ZLECA profiter aux grandes entreprises et aux grandes économies du continent au détriment des petites et moyennes entreprises. L’accompagnement éducatif et formatif des populations locales est indispensable. La gouvernance africaine devra permettre que les compétences nécessaires soient détenues par tous les opérateurs économiques.
La mise en œuvre progressive de cette zone de libre-échange constitue un défi institutionnel de taille. Il sera hautement important de cibler les secteurs prioritaires à intégrer en vue de rapidement bénéficier de cette initiative. Il conviendra également d’établir une gouvernance capable de mettre en œuvre ce projet via des incitants pour chaque type d’économie. Le pilotage de ce projet se devra d’être collégial. En plus de rassembler les représentants des différents opérateurs économiques, il sera nécessaire de gérer les intérêts des différents Etats, ceux-ci disposant de ressources différentes et ayant des intérêts divergents.
Relever le défi institutionnel est primordial et s’avère indispensable à l’essor économique du continent africain dans son entièreté.
Dady N’pingha Kawaya